Belle And Sebastian

Le Grand Rex, 9 Avril 2002


The Belle And Sebastian Big Orchestra

La soirée débute par une bien courte prestation d’Isobel Campbell accompagnée d’un pianiste. Sa voix ne porte pas bien haut dans cet immense Grand Rex ; regard perdu dans le vide, plantée au milieu de la scène sous une lumière saillante, elle interprète ses chansons avec détachement, intériorisation et s’auto-limite à son rôle de première partie. La douceur de sa voix, les mélodies peu accrocheuses sont autant d’invitations à la paresse, à la rêverie et à la détente pour un public confortablement installé sur les sièges moelleux de la salle. Le mélange entre les samples spectraux et la guitare acoustique perçante, voire métallique apporte une certaine froideur que la voix un peu maladroite d’Isobel ne parvient pas toujours à tempérer. Avec un peu plus de conviction le set aurait pu être moins passif pour elle tant que pour le public, mais peut-être se réservait-elle pour la deuxième partie.

La joyeuse tribu Belle And Sebastian se met en place et reçoit un accueil chaleureux du public qui sacrifie son confort pour se lever et se rapprocher de la scène. Une certaine euphorie est latente dans les premiers titres interprétés par le groupe tel que « Sleep the clock around » ou encore « There’s too much love » sur lesquels Stuart Murdoch se plaît à frétiller. Le groupe piochera plus d’une vingtaine de titres parmi ses anciens albums ainsi que parmi « Storytelling » dont la sortie est prévue sous peu.
Ce soir Belle And Sebastian aura été capable d’insuffler une vague de fraîcheur sur ce grand Grand Rex. Comme si leur musique n’était déjà pas assez sirupeuse les membres du groupes se font en plus accompagner de trois violonistes qui s’en donnent à cœur joie sur « I’m waking up to us » pour n’en citer qu’un. Mais l’attention se focalise surtout sur un Stuart Murdoch qui affiche fièrement un t-shirt qu’il avait au temps de son premier groupe à l’école et portant son prénom en grosses lettres et qui ne chante pas si faux, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre de lui en live. Loin d’être le groupe d’un seul homme, Belle And Sebastian est le fruit d’une collaboration, d’une entente entre ses membres ; entre le piano, les cordes et la flûte… Un véritable orchestre se déploie, ainsi prêt comme dans les bals populaires à faire des titres à la demande. Mi-improvisé mi-prévu, ils interpréteront « Orang Outan » de Gainsbourg ou encore "Alone Again Or" du groupe Love. Désireux de transmettre sa gaieté, le ‘Belle And Sebastian Band’ invitera même quelques spectateurs à festoyer avec eux sur la scène. Stuart Murdoch alors feint avec une expression de ‘semi-panique’ de contrôler cette horde de fan en proposant à une jeune fille de chanter les cœurs sur « Dirty dream #2 » et ensuite en entamant un « Harley Davidson » (de BB) incompréhensible au niveau des paroles mais jubilatoire !!
C’est véritablement quand le concert commençait à atteindre son point culminant que le groupe se retire de scène sans rappel, comme il est de coutume chez ces écossais. Il est de plus regrettable qu’ils n’aient pas pris plus de liberté dans l’interprétation de leurs morceaux plutôt que de vouloir à tout prix retranscrire le moindre coup d’archet.
Belle And Sebastian se plaît à véhiculer l’image qu’on leur prête, celle de la petite bande d’écossais toujours gentils, sensibles et mièvres. Ce penchant pour la mélodie du bonheur est ceci dit modéré par une certaine mélancolie exprimée plus par les mots que par leur musique, mais après tout la mélancolie n’est-elle pas le plaisir d’être triste ?


Rita Carvalho